EDITORIAL: LE PARADOXE GUINEEN !

Il n’est plus facile dans ce pays de poser des actes responsables profitables à tous. Toute entreprise d’utilité nationale est perçue comme égocentrique. La mémoire des hommes est aussi courte pour ignorer ce passé douloureux connu par ce peuple durant les cinquante dernières années de sa vie. Pourtant il suffit d’un simple regard dans le rétroviseur de notre histoire pour savoir que la Guinée vient de loin. Le peuple demeure alors que les hommes passent, et la véritable valeur d’un homme est d’imprimer à son existence, un acte Trans temporel. Depuis notre indépendance en 1958, de nombreux événements ont stigmatisé la vie du peuple. Les conditions singulières qui ont conduit à l’indépendance, ont servi de référence pour bon nombre de pays africains. Malgré le divorce brutal d’avec la Métropole coloniale, le jeune Etat indépendant de la Guinée a su préserver sa dignité et sa personnalité dans l’accomplissement responsable de sa destinée.

Des écueils il y en a eu mais avec une ferme détermination, le peuple de Guinée a su résister à toutes les velléités de déstabilisation dans un patriotisme sans faille. Le choix politique d’alors a exposé le pays à toute sorte d’adversité jusqu’à l’ultime forfait de l’agression du 22 novembre 1970. L’idéologie révolutionnaire a cependant favorisé l’émergence d’une nation forte, engagée et responsable de son destin. Aujourd’hui encore on se souvient de ces moments de courage et d’abnégation qui ont caractérisé ce vaillant peuple. La Guinée a toujours su surmonter ses crises en le gérant avec patriotisme et détermination. Pour aucun cas il ne fallait surtout pas regretter le choix du 28 septembre : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ».

Ce pari bien que difficile devait être assumé par notre peuple au prix de maints sacrifices. Malgré les conditions extrêmement difficiles, des jeunes guinéens ont été formés pour assumer avec brio la relève et conduire la destinée de la jeune nation. Ce mérite doit pourtant servir de repère pour la jeune génération qui semble ne pas être informée ou mal informée de ce glorieux passé. La Guinée a fait du chemin sous la première et la deuxième république.

-La première a eu le mérite de nous conduire à l’indépendance et à la création d’un Etat souverain responsable.

-La deuxième a aussi lancé les bases du multipartisme intégral et ouvert le pays à la communauté internationale.

La troisième république a renforcé la démocratie et amorcer le décollage et l’émergence économique du pays. Mais l’impunité et le désir de se maintenir au pouvoir ont été le talon d’Achille de la gouvernance du Pr. Alpha Condé.

Aujourd’hui le paradoxe est de voir une levée de bouclier contre l’adoption d’une nouvelle constitution.

Le CNRD dans sa volonté de refondation a jugé utile de procéder à la rédaction d’une nouvelle constitution qui prendrait en compte, les aspirations et les inquiétudes du peuple. Il faut savoir que la constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l’Etat et qui organise les relations. Une constitution écrite est généralement organisée en plusieurs parties appelées titres, eux-mêmes divisés en articles et alinéas. Elle peut comporter également une charte des droits fondamentaux. Quelle que soit sa présentation et son contenu, la constitution est considérée comme la règle la plus élevée de l’ordre juridique de chaque pays.

Garantir à chacun le respect de ses droits, est nécessaire pour assurer les droits fondamentaux des citoyens. La constitution pose par exemple, le principe de l’égalité de citoyens devant la loi, fait du suffrage universel le droit de vote accordé à tous les citoyens majeurs, la source de la légitimité et accorde à chacun le droit de faire entendre devant un tribunal indépendant. Elle permet ainsi d’écarter l’arbitraire en donnant à tous les citoyens la possibilité de connaitre les différents organes de l’Etat. Définir les différents organes de l’Etat selon le principe de la séparation des pouvoirs, la constitution organise les pouvoirs publics composant l’Etat en séparant le législatif, l’exécutif et le judiciaire afin de permettre l’équilibre des différents pouvoirs.

Dans ce cadre, la constitution définit les compétences des différents organes de l’Etat et la manière dont ils sont désignés, règle les rapports entre les pouvoirs, en leur donnant la possibilité de se contrôler mutuellement, fixer la répartition des compétences sur l’ensemble du territoire en fixant l’organisation de l’Etat, qui peut être unitaire et centralisé ou fédéral. En démocratie, il existe deux processus d’élaboration de la constitution : la discussion parlementaire par une assemblée spécialement élue à cet effet ; la rédaction d’un texte par le gouvernement collégial composé du premier ministre, des ministres et des secrétaires chargés de l’exécution des lois et de la direction de la politique nationale ou un comité de spécialistes.

Dans son souci de donner plus de crédibilité et de transparence à ses actions, le CNRD a jugé utile de mettre sur pieds un Conseil National de la Transition. Ce conseil est composé de toutes les composantes structurelles, professionnelles et corporatives de la nation. Il a pour mission principale de rédiger un texte constitutionnel, il peut aussi exercer simultanément le pouvoir législatif. Le travail de ce CNT est le plus souvent organisé sur le même mode que celui des assemblées parlementaires classiques : des commissions spécialisées étudient les propositions qui sont ensuite discutées et adoptées en séance plénière. En général, le mandat de durée d’exercice d’une fonction élective de l’assemblée constituante cesse dès qu’elle a définitivement adopté le texte de la constitution. En Guinée on a connu plusieurs modifications notamment :Celle de 1958 a été modifiée en 1982 ;Celle de 1982 a été suspendue puis modifiée par le CMRN le 23 décembre 1990 (loi fondamentale) ;

La loi fondamentale de 1990 sera révisée le 11 novembre 2001 pour adopter le septennat ;

La constitution de 2001 est suspendue par le CNDD et remplacée par celle du 7 mai 2010 par le CNT. C’est une constitution élaborée à dessein contre le pouvoir militaire du CNDD, pour permettre aux civils de le reprendre démocratiquement comme le prévoient les textes des droits de l’homme émis par l’Assemblée générale de la charte des Nations-Unies de 1946. Elle a permis à la Guinée de se doter des institutions constitutionnelles légales et démocratiques.

Aujourd’hui la nécessité d’une nouvelle constitution s’impose à cause de la dissolution de celle qui a été adoptée pour le troisième mandat, e ses insuffisances avérées. Elle est devenue caduque par rapport aux nouvelles orientations politiques et sociales du pays. Si nous voulons réellement d’une démocratie. Il est impérieux de revoir cette constitution et de l’adapter aux normes conventionnelles. On peut par exemple définir la nature du régime, redéfinir la durée du mandat présidentiel, revoir le nombre de députés à l’uninominal et à la proportionnelle en tenant compte de la taille des préfectures, instaurer un Sénat pour donner plus de poids au parlement et mieux contrôler les actions gouvernementales, définir les attributions du Premier ministre, créer un conseil d’Etat, élaborer des lois qui puissent mettre fin à certaines pratiques antidémocratiques comme les marches violentes ou les grèves irresponsables connues dans le pays ces dernières années.

Mais certains pensent que cette nouvelle constitution est faite pour le chef de l’Etat afin qu’il se perpétue au pouvoir. Raisonnement erroné et caractéristique d’une étroitesse d’esprit. Une constitution est impersonnelle, elle trace le jalon pour les générations présentes et futures, elle n’est pas faite pour un homme car tous les hommes sont mortels seul le peuple demeure. Ceux qui s’agitent aujourd’hui le font à cause de la haine viscérale qu’ils ont contre le Général Mamadi Doumbouya qui aujourd’hui est en train de métamorphoser positivement le pays. On veut tout simplement d’une constitution qui définira pour les années à venir la voie à suivre pour une démocratie participative et sans exclusive. Seul le peuple est souverain, il est le seul à choisir la voie qu’il veut et non les agitations oiseuses de quelques activistes de la société civile et des leaders politiques en manque d’inspiration. Mais faut-il savoir que : « l’homme qui s’apprête à traire une lionne n’a que faire des bourdonnements d’une mouche ».

Si c’est dans l’intérêt suprême de la nation que la nouvelle constitution doit être élaborée, le peuple responsable de Guinée, comme le 28 septembre 1958 se déterminera avec responsabilité à travers le choix qu’il fera. La voix du peuple est la voix de Dieu dit-on souvent, alors l’intox ne pourra rien contre la volonté populaire.

Famany Condé