CONCOURS DE RECRUTEMENT : Quand l’espoir vire au désespoir…
Les candidats au concours de recrutement à la fonction publique ont été surpris par l’annonce de la date dudit concours par le ministre de la fonction publique. En réalité, ils avaient tous perdu espoir de voir un jour ce concours se concrétiser tant les rumeurs et les supputations étaient fortes et persistantes. Ils sont 140 mille candidats pour 10 mille postes, soit un taux de 7,14% qui auront droit d’accéder à la fonction publique. Quand on imagine que pour la première fois en Guinée une postulation à un concours a atteint la bagatelle de cent mille francs et pour cent quarante mille, cela fait une manne financière importante. En dépit de toutes ces tracasseries administratives et financières, ces milliers de jeunes à la recherche du premier emploi ont eu le courage de les braver pour être dans les normes.
Si la caution de cent mille francs a été jugée excessive, une autre condition plus étonnante est annoncée par le ministre de la fonction publique à savoir les modalités de déroulement du concours. Selon le ministre, le concours se déroulera sur des tablettes pour les 140 mille candidats ce qui est déjà excessif en matière de coût pour les tablettes. Il considère que les candidats seront tous dans les mêmes conditions équitables pour aborder les questionnaires sous forme de QCM. On a l’impression que ce ministre n’est pas guinéen ou est étranger aux réalités guinéennes. Est ce qu’il sait les conditions dans lesquelles ces candidats ont procédé à leur inscription en ligne ? L’utilisation de tablettes nécessite un certain préalable, combien d’établissements publics et privés disposent de courant électrique et de moyens pour apprendre aux élèves l’utilisation de cet outil informatique ?
C’est une véritable utopie à laquelle veut se livrer le ministre pour ce concours de recrutement. En procédant ainsi, les 75% seront déjà éliminés à cause du fait qu’ils ne savent pas manipuler un téléphone androïde, ce qui signifie que c’est à dessein que cette formule a été proposée. Depuis la nuit des temps les concours en Guinée ont toujours été organisés de façon classique, sur des supports en papier et en présence de surveillants et soumis à une rigoureuse correction. Mais l’utilisation de tablettes est angoissante pour les candidats qui ne seront pas ainsi placés dans les mêmes conditions d’examen. Le nombre de ceux qui ne peuvent pas manipuler un téléphone androïde est supérieur à ceux qui savent le faire. Quand on pense aux conditions et toutes les manœuvres qui ont permis à ces candidats de trouver cette caution exorbitante et leur difficile inscription sur une plateforme capricieuse et parfois défaillante à cause du réseau, il y a lieu de prendre cela en compte pour éviter de les soumettre à une autre contrainte qui conduit au désespoir.
Le montant des cautions pour ces 140 mille candidats est de 14 milliards cela suffit largement pour l’achat des intrants, les primes de surveillance et de correction des éventuelles épreuves du concours. Les tablettes sont certes bonnes mais pas pour les guinéens car, nous connaissons tous les réalités guinéennes. Ces jeunes à la recherche du premier emploi ont placé tout leur espoir en ce concours malgré le nombre infime de postes définis par la fonction publique. Si le ministre de la fonction publique dit que cette ancienne méthode n’est pas crédible à cause de manipulation des résultats, qu’il sache que son département est seul responsable de l’organisation du concours.
Il y a belle lurette que les jeunes attendent l’organisation de ce concours, le dernier à avoir été organisé fut celui de l’environnement qui jusque-là tarde à proclamer les résultats. Avec le CNRD ces jeunes avaient un grand espoir de voir enfin venir l’abolition des pratiques malsaines. La refondation promise par les nouvelles autorités leur inspirait confiance mais, cette affaire de tablette risque fort de nuire à la réputation du CNRD car, ils ne manqueront pas de dire que le concours de recrutement semble être un concours d’élimination. Une telle méthode serait-elle en faveur ou en défaveur du CNRD, il revient au ministre de la fonction publique de bien revoir cette situation pour éviter le désarroi des jeunes en quête du premier emploi.
L’ancien ministre Yombouno sur qui plane tous les soupçons de détournement des cautions versées par les candidats, et l’actuel chef de ce département qui veut faire une innovation inédite, sont tous deux susceptibles de la bonne ou mauvaise gestion de ce montant. Quand on voit le nombre de jeunes guinéens qui s’offrent aux conditions inhumaines du désert et de la méditerranée, il y a lieu d’entretenir cet espoir des jeunes en organisant et en facilitant les conditions du concours. Cette affaire de tablettes que le ministre veut imposer aux candidats n’est pas compatible aux réalités sociologiques et mêmes pédagogiques du pays. De nombreux candidats se sentent floués par cette décision du ministre. Et aucune mesure que le ministre prétend mettre en place pour assister les candidats ne semble être efficace pour résoudre le problème. Le mieux serait de faire recours à l’ancienne méthode et de renforcer les mesures de crédibilité et de moralité. En tout cas les guinéens dans leur ensemble sont surpris par cette annonce faite par le ministre de la fonction publique. Ne serait-il pas dans l’intention de nuire aux nouvelles autorités, l’avenir le prouvera mais, comme le dit la Fontaine Fables : « En toute chose il faut considérer la fin ». Exiger des tablettes pour un concours d’une telle envergure n’est pas raisonnable. Avec 100 ou 200 candidats on peut bien le faire mais 140 mille candidats cela semble utopique.
Le ministre connait bien la situation du pays, c’est avec dextérité et sagesse que l’on peut traiter une telle situation mais, à se lancer sans mesure de précaution dans une telle mission est suicidaire.
Famany Condé