LE POUVOIR C’EST POUR UN TEMPS ET NON TOUT LE TEMPS…
Le procès des massacres du 28 septembre 2009 est aujourd’hui une école ou une source d’inspiration pour tous les hommes. Dans ce monde ou on est acteur, ou on est victime, ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’échapper à cette cruelle évidence. Le procès a prouvé que les hommes forts d’hier peuvent devenir des hommes faibles. Quand on voit le capitaine Moussa Dadis Camara, l’homme devant qui les ambassadeurs et les hautes personnalités se confondaient, répondre aux questions des avocats, ou écouter les plaidoiries du parquet, on se dit réellement que la laideur réside dans un pouvoir déchu. Alfred de Vigny dans ‘’la mort du loup’’, écrit : A voir ce que nous fûmes sur terre et ce que nous laissons après nous, seul le silence est grand…’’.
La cruauté et la barbarie qui ont caractérisé ces massacres sont l’expression d’une folle volonté de se perpétuer au pouvoir. Tuer, torturer, violer et mutiler dans le simple but d’étouffer une revendication relève du diable donc de cheytane. Il y a lieu de voir et de comprendre aujourd’hui la gravité de ces évènements à la fois cyniques et sinistres qui ont endeuillé des centaines de familles. Pire c’est que jusque-là on ignore le sort de certaines personnes disparues depuis ce jour. Sont-elles mortes si oui où sont leurs corps, si non où sont-elles alors. La douleur est immense, les milliards que l’on réclame ne pourront jamais combler le vide consécutif à leur perte. Cependant il faut punir à la dimension de cette forfaiture pour que plus jamais cela ne se reproduise dans le pays.
Il y a eu de nombreux cas similaires dans d’autres pays mais, les coupables avant d’être condamnés ont reconnu les faits. Malheureusement tel n’est pas le cas pour ce procès, les accusés excellent dans la négation systématique des faits, à ce rythme peuvent-ils être dignes de pardon ? Non ! C’est quand on a le moindre sentiment de pitié, le moindre regret des actes commis que l’on peut demander le pardon ou la clémence de la cour. Comme on aime à le dire très souvent : « Une faute avouée est à moitié pardonnée », si Dadis et compagnie avaient eu le courage de faire comme l’avait si bien demandé le commandant Toumba, ils se seraient mis hors des complications qui les assaillent aujourd’hui.
Celui qui ordonne violences et tortures n’a pas la vue du fait ni par conséquent la forte impression sur l’imagination. L’exécutant obéit à un supérieur et se sent irresponsable. Aujourd’hui des forfaits impossibles sous les Néron se commettent sans qu’on puisse en accuser personne. Les uns ont demandé, les autres ont proposé, les troisièmes ont rapporté, les quatrièmes ont décidé, les cinquièmes ont confirmé, les sixièmes ont ordonné et les septièmes ont exécuté. Le mal le plus grand c’est pour l’homme qui commet l’injustice de ne pas en payer la peine. La punition est un droit par rapport au criminel lui-même. Il n’y a guère d’homme assez habile pour connaître tout le mal qu’il fait. Tout le mal qui se fait sous le chapeau d’un chef, il assume totalement la responsabilité morale. Qu’il ait ordonné ou pas, en sa qualité de chef d’Etat et chef suprême des armées il ne peut rejeter sur personne la responsabilité de ce qui s’est passé au stade. On dira qu’il n’y a pas de responsabilité collective mais, en pareil cas il y a toujours un ordonnateur. Pourquoi ne pas dénoncer les exécutants car tous ne peuvent pas mourir en même temps. A vouloir se blottir derrière un mutisme absolu on risque de passer à la potence.
Le peuple de Guinée est un peuple croyant et responsable capable de grandes actions souvent inédites. Si les accusés ont le courage de dire la vérité en reconnaissant les faits et leur atrocité, il est fort probable que le pardon qu’ils puissent bénéficier du pardon du peuple au bénéfice de l’unité nationale et de la paix sociale. ce pardon sera l’expression de la grandeur d’âme des victimes et des guinéens dans l’ensemble, avec l’espoir que désormais aucun autre guinéen ne puisse commettre les mêmes atrocités. Mais à l’allure où se font les négations systématiques des faits, ils risquent de soulever le courroux du peuple qui au lieu du pardon risque de les offrir la perpétuité.
Famany Condé