Détention prolongée du Dr Ibrahima Kourouma : son épouse, en larmes, interpelle le président de la République

Un nouvel espoir brisé et un coup dur supplémentaire pour le Dr Ibrahima Kourouma, détenu à la maison centrale de Conakry depuis le 21 avril 2022, » pour des faits présumés de détournement, d’enrichissement illicite et de corruption. »

Mercredi dernier, la chambre correctionnelle de la Cour suprême a annulé l’arrêt de remise en liberté rendu par la chambre d’appel de la CRIEF. Cette décision a été justifiée par un motif : « la mauvaise appréciation de la décision de remise en liberté de Dr Kourouma ».

Depuis son arrestation, la famille du Dr Kourouma vit dans la douleur de cette détention prolongée à la maison centrale, malgré plusieurs décisions de remise en liberté qu’il avait obtenues devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).

Affaiblie et inconsolable, son épouse, Aissata Doré, a décidé de briser le silence pour exprimer sa déception à l’égard de la justice guinéenne, notamment concernant les décisions rendues dans ce dossier.

Dans un entretien accordé à certains médias, elle a exprimé son mécontentement à l’encontre de la Cour suprême suite à sa décision de maintenir son mari en détention. « Nous sommes très déçus. Aujourd’hui, nous sommes réellement déçus de la justice guinéenne, il faut le dire. Mais nous sommes particulièrement déçus de la Cour suprême. Pourquoi ? Parce que je suis certes profane en la matière, mais ce que je ne comprends pas, c’est que l’instance qui est la CRIEF ait demandé la mise en liberté de mon mari, et que la Cour suprême refuse de la lui accorder. Cela, je ne peux pas le comprendre. Pourquoi ? Parce que c’est la CRIEF qui l’a mis en prison. Sept juges de la CRIEF ont demandé sa libération. Sept juges ont siégé à cet effet, et l’instance supérieure de cette première chambre a confirmé l’ordonnance. Qu’on vienne à la Cour suprême aujourd’hui et qu’on me dise qu’il y a eu une mauvaise interprétation de la loi, après plus d’un an d’attente, je suis déçue », a-t-elle regretté.

La bataille judiciaire autour de la remise en liberté du Dr Kourouma concerne la caducité de son mandat, qui n’a jamais été renouvelé.

Bien qu’affectée par la détention prolongée de son mari, Aissata Doré ne semble pas particulièrement en vouloir au procureur spécial près la CRIEF, qui continue de faire appel. Consciente du rôle de ce dernier en tant que représentant du ministère public, elle estime cependant qu’il revenait à la Cour suprême de réparer le tort en accédant à la remise en liberté de son mari.

« Nous ne demandons rien d’autre. Nous demandons que le droit soit respecté. Imaginez quand le procureur général de la Cour suprême, qui est le représentant d’Aly, confirme que mon mari doit être en liberté, et que les juges disent qu’il y a eu une mauvaise interprétation de la loi. Peuple de Guinée, mettez-vous à ma place ! Qu’est-ce que je suis censée comprendre ? », s’est-elle interrogée.

« Je refuse de croire que c’est Mamadi Doumbouya qui détient mon mari. »

Aissata Doré rejette la thèse selon laquelle la détention de son mari serait liée à la politique. Elle n’exclut cependant pas que des responsables de l’État puissent être impliqués dans la gestion de cette situation, surtout lorsqu’il y a des réserves concernant la gestion des affaires publiques. « Ce qui n’est pas normal, c’est lorsqu’on viole la loi à l’encontre d’un citoyen qui, aujourd’hui, n’a pas la force de se défendre. Qu’on veuille torturer quelqu’un sous prétexte de politique, je refuse. Ce n’est pas la politique qui a amené mon mari en prison. Je refuse de croire que c’est Mamadi Doumbouya qui détient mon mari. Je refuse de le croire, car le président Mamadi Doumbouya n’a aucun intérêt à ce qu’un citoyen lambda, aujourd’hui devenu un citoyen lambda, souffre. Il a été un simple ministre de l’Éducation, un simple ministre de l’Urbanisme », a précisé Mme Kourouma.

L’une des préoccupations majeures de l’épouse du Dr Ibrahima Kourouma concerne la santé fragile de son mari. C’est pourquoi elle en appelle à l’intervention du président de la transition et de son ministre de la Justice pour que son époux soit libéré des geôles de la maison centrale de Conakry. « J’interpelle le président pour lui dire que certains utilisent son nom pour faire du mal aux gens. Le président n’est pas un homme de droit, mais il s’entoure d’hommes de droit pour qu’on lui dise ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas. Aujourd’hui, c’est toute la famille de M. Kourouma qui est en prison. On ne travaille pas, on ne fait rien. On n’a pas de vie. Les enfants souffrent, sa mère souffre et est très malade, et on continue de le garder en prison. C’est pourquoi je demande au président de la République de libérer mon mari. Il est temps qu’il le fasse. Il est temps qu’il se penche sur son dossier pour le libérer, car nous souffrons énormément aujourd’hui. « , plaide-t-elle

Mohamed YBNO