LA DERIVE INQUIETANTE DES ARTISTES…

La succession des années et des événements a fini par donner à la réalité culturelle une autre dimension dans la composition musicale. Le passé musical de la Guinée assuré par une génération plus responsable respectueuse des valeurs morales et culturelles, a été à l’origine des plus belles chansons qui charment encore malgré le temps, les oreilles des mélomanes friands de bonne musique. C’était le temps où la musique était un vecteur très important dans l’éducation sociale, idéologique et historique du peuple. Ces musiciens étaient fiers d’être appelés ‘’les artistes du peuple’’ car leur action n’avait aucun caractère lucratif. Ils jouaient avec enthousiasme pour la population qui savourait à satiété leurs productions.

Aucun artiste de l’époque n’avait la prétention de se livrer à une mendicité, ou à se prostituer moralement en vue de glaner quelques sommes nuisibles à la longue à sa réputation. Ils ont chanté la patrie, l’amour, l’épopée, les chansons de geste et la gloire de la souveraineté nationale, ils ont chanté la révolution pour magnifier le courage de ceux qui ont lutté pour l’indépendance. Sory Kandia Kouyaté, Kadé Diawara, Fodé Conté, Bembeya Jazz national, Balla et ses baladins, Kèlèti et ses Tambourounis, Horoya band et les orchestres fédéraux de l’époque, ont égayé pendant longtemps les scènes de réjouissances populaires dans les permanences fédérales qui faisaient office de centre culturel. Des airs comme ‘’Regard sur le passé’’, ‘’Soundiata’’ transcendent le temps pour prouver à la jeune génération le récit valeureux des défenseurs de la dignité africaine et guinéenne.

De ce passé si éloquent, si représentatif, il ne reste qu’un vague souvenir que quelques émissions radiophoniques font revivre et l’esprit conservateur de certains témoins et amoureux de ce classicisme de la musique guinéenne. De nos jours on assiste à un foisonnement incontrôlé de musiciens de circonstance, qui n’ont pour objectif que le lucre. Ils apparaissent comme des éphémères à la lumière pour disparaitre dans la nuit du temps après une dédicace qui permet d’engranger quelques milliers de francs. Ces derniers temps ont connu la prolifération des sons de flagornerie pour magnifier des hommes et des femmes, des chansons qui excitent souvent le courroux des personnes à forte sensibilité émotive, qui motivent d’ailleurs des conflits sociaux et des rixes dans les foyers. Des chansons qui portent atteinte à la pudeur et à la bienséance sociale et qui encouragent la perversion et la débauche.

Aujourd’hui il faut dénoncer cette hypocrisie artistique qui est en train de gagner du terrain dans le pays. Les nouvelles autorités doivent prendre conscience de l’attitude négative de ceux qui s’égosillent à vouloir les chanter coute que coute à travers des messages négatifs et provocateurs. Durant tout le temps de Lansana Conté, il y a eu bien sur des chansons à son hommage mais à travers des paroles qui n’offusquaient personnes et qui ne blessaient pas non plus la pudeur. C’est dommage que l’on insulte à travers la chanson pour dire que vous soutenez un homme, qui ne vous a jamais demandé de le faire. Si par ces actes vous pensez le servir, vous vous trompez car, chacune de vos sorties jugées inopportunes par le peuple ne fait qu’accroitre son ressentiment pour le Général Mamadi Doumbouya.

Fodé Kouyaté a chanté Lansana Conté, Kerfala Kanté a chanté Dadis Camara, Bras cassé a chanté Alpha Condé mais, leurs chansons sont différentes de ce que produisent de nos jours certains artistes. Ce ne sont pas avec des pamphlets que l’on peut combattre, non tel n’est pas la vocation de la musique. La musique est un puissant moyen de communication, d’information et d’éducation, elle ne doit aucunement servir à diviser ou à semer la zizanie entre les hommes d’une même nation. Ces artistes doivent savoir qu’aucun homme dans cette création n’a requis l’unanimité même les prophètes. Le goût ne se discute pas et chaque homme est libre de choisir la voie qui le sied, c’est absurde alors de se lancer dans des insanités langagières pour se faire plaire. Soyez plus vertueux dans vos chansons, plus respectueux des valeurs morales et sociales et plus conséquents pour éviter d’être des disques de 45 tours.

Sachez que vos productions sont faites pour le peuple et non pour des personnes. Il y a aujourd’hui, il y a demain, prenez alors garde

Famany Condé