La valse des ministres ou la récurrence de la problématique de l’éducation ( Famany Condé)
La valse des ministres dans le département de l’Enseignement Préuniversitaire n’a jusque-là pas trouvé la solution aux difficultés qui minent le système éducatif. A chaque fois ce sont des troubles, des grèves, et ces faits ne sont pas de nature à favoriser l’enseignement/apprentissage. Le non-respect des protocoles d’accord et des engagements sont à la base de cette malheureuse situation devenue aujourd’hui une ritournelle pour ce ministère.
Depuis plus d’une décennie on assiste aux mêmes réclamations, amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants qui sont les parias de l’administration guinéenne. Les 80% des enseignants le sont par accident, ou incapacité de trouver autre chose. L’éducation a été longtemps le pourvoyeur de cadres de l’administration générale. Le fait que les enseignants sont mal payés aucun ne veut y passer sa carrière, c’est la raison de la grande désertion de ce département par les cadres. Feu Ibrahima Kalil Konaté K2, Mory Sangaré, Bano Barry ont beaucoup fait pour le système mais, tous ont buté contre ce manque de considération des autorités pour l’école guinéenne.
Les enseignants contractuels ont toujours été utilisés comme bouclier par l’Etat. C’est inimaginable de voir des contractuels qui ont 8 à 10 ans d’existence auxquels on refuse l’accès à la fonction publique. Toujours des promesses, toujours des contrôles dont les résultats sont toujours contestés soit par la fonction publique, soit par les finances et parfois même par le département du Préuniversitaire. Aujourd’hui l’Etat fait face à son manque de fidélité à ses engagements. Les différents protocoles d’accord, les multiples plateformes revendicatives contiennent les mêmes points, les mêmes réclamations. Ce qui signifie qu’aucune satisfaction n’a été obtenue.
Tout le monde se souvient encore de la débâcle des résultats des examens nationaux de la session 2022, Guillaume Hawing a mis en place tout un dispositif pour mettre à nu la défaillance du système. Pour lui les évaluations constituent le talon d’Achille de l’école guinéenne. Pourtant l’élève ne rend que ce qu’il a appris à l’école. Donc c’est une erreur de se focaliser rien que sur les résultats et ignorer les conditions en amont qui les occasionnent. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui dans les écoles, on risque fort de connaitre des résultats plus catastrophiques que ceux de la session dernière. Les enseignants ont massivement abandonné les classes pour sécuriser leur situation, à cause des décisions du Ministre de la fonction publique relatives à la carte d’identité biométrique.
Guillaume Hawing est le ministre des examens et non de l’éducation. On comprend mal pourquoi engager de folles dépenses pour l’acquisition de caméras de surveillance des examens alors que cet argent pouvait servir au paiement de la prime des enseignants contractuels. Sa phobie de la fraude devient obsessionnelle car l’envoie de caméras est une insulte voire même un mépris pour la corporation. Il affiche son manque de confiance aux enseignants qu’il considère tous comme malhonnêtes et indignes de confiance. Pourtant lui qui est d’une promotion récente oublie-t-il que c’est dans les mêmes conditions, qu’il a étudié avec bien sûr la bienveillance de ses maitres et professeurs. Il faut éviter le populisme dans certaines prises de décisions, c’est absurde de croire que la machine puisse remplacer l’homme et d’ailleurs aura-t-il les moyens d’équiper tous les centres en caméras ?
Par le passé le MATD et le MEPUA avaient promis payer les salaires des contractuels mais, avec tout le battage médiatique, il ne leur a été payé qu’un seul mois mieux, tous n’ont pas bénéficié de cela. Aujourd’hui on envisage un contrôle de l’authenticité des diplômes fournis par ces contractuels, le médecin après la mort. Ce contrôle devait se faire avant leur engagement comme contractuels. Tout cela démontre le manque de volonté, l’amateurisme et la malhonnêteté des cadres commis au traitement de ces dossiers. La vérité est qu’aucun de ces ministres membres du gouvernement, aucun des hauts cadres du pays n’a son enfant dans l’école guinéenne, c’est pourquoi ils s’en soucient peu.
Avec un tel traitement, les jeunes auront-ils le courage de postuler pour la fonction enseignante c’est difficile. Le bossu ne voit pas sa bosse dit une sagesse populaire, l’Etat ne voit pas ses erreurs, il préfère toujours jeter l’anathème sur les pauvres enseignants qui ahanent à travers le pays pour donner l’instruction aux enfants. Dans des conditions misérables extrêmement difficiles, loin de la modernité, de la belle vie, se couchant à même au sol dans un stoïcisme inégalé pour obtenir de quoi entretenir leurs familles. 7 mois sans salaire dans de telles conditions est un crime abominable. Au lieu de trouver la solution définitivement, on préférera jouer au pompier en colmatant les brèches pour déjouer toute tentative de grève. Le secteur le plus stratégique dans le développement d’une nation est bien sûr l’éducation. Pour apprivoiser un peuple, pour le dominer, il faut faire main mise sur son système éducatif.
Le problème de l’école guinéenne ne se résume pas qu’aux examens, mais Guillaume Hawing pense que les évaluations constituent les seuls écueils du système. Que pense-t-il alors de la formation des formateurs, du renforcement des capacités pédagogiques et professionnelles des enseignants ? Tant qu’il y aura une inadéquation entre la qualité de formation et le niveau des formateurs, le mal demeurera toujours. Le ministre a intérêt de s’intéresser à la quintessence de la problématique de l’éducation et non de courir après les artifices dilatoires. C’est pourquoi les cadres des structures déconcentrées de l’éducation, le qualifient d’urgentiste car tout est urgent chez lui, on le surnomme également de ministre des examens. En réalité, il est le ministre le plus médiocre que le département du préuniversitaire a reçu durant ces dernières années.
Que Dieu sauve l’école guinéenne !