LE DESTIN DES GUINEENS SERAIT-IL SEMBLABLE A CELUI « D’ ÂNE DE BURIDAN » ?

Un âne, situé à égale distance de deux bottes de foin aussi alléchantes l’une que l’autre, va mourir de faim, incapable d’opérer un choix rationnel entre les deux. C’est à cela que ressemble tragiquement le destin des guinéens. Pour dire vrai tous les métaux précieux inventoriés à travers le monde se sont donnés rendez-vous sous le sol et sous-sol de la Guinée. D’autres disent que la Guinée est un scandale géologique et cela s’avère car on est en passe de devenir le premier producteur mondial de bauxite. Les richesses du pays sont incommensurables, il y a l’or, le diamant, le fer, la bauxite, le cobalt, le graphite etc., en plus d’immenses plaines rizicultivables avec une pluviométrie abondante. Tout cela nous a été offert par la providence pour éviter à ce peuple la souffrance et la misère.

En dépit de toutes ces richesses, les guinéens ahanent à la recherche d’un bonheur chimérique qui les fuit à chaque instant et à tout moment. Jusqu’à présent les guinéens ne sont pas parvenus à comprendre l’énigme de leur destin, la clé de leur devenir morale, économique et sociale. On entend par nation un groupement d’hommes réunis par une même erreur sur leur origine et une commune aversion à l’égard de leurs voisins. La vie d’une nation repose sur l’amour des uns envers les autres. Une société unie n’est pas une société sans différences, mais une société sans frontières intérieures. La race est la pierre angulaire sur laquelle repose l’équilibre des nations. Elle représente ce qu’il y a de plus stable dans la vie d’un peuple.

Malheureusement, la caractéristique fondamentale du guinéen est l’égoïsme, la haine et le mépris de l’autre. L’égoïsme et la haine ont une même patrie ; la solidarité et la fraternité n’en ont pas. Depuis toujours le guinéen n’arrive pas à se défaire du sentiment ethnique. Quand il y a des décrets des esprits malins s’évertuent à faire la part des choses, en comptant le nombre de peulhs, malinkés, soussous ou forestiers. On ignore qu’on ne choisit pas à cause d’une appartenance ethnique mais pour le mérite, pour la valeur intrinsèque. Il y a des étourdis qui ont trouvé moyen de dire que la sélection nationale guinéenne à la dernière CAN ne comportait pas assez de peulhs. Un tel comportement une telle attitude sont de nature à porter préjudice au sentiment patriotique et nationaliste. On ne mérite pas d’être une pierre, une bête ou un ange, on mérite d’être un homme. Tous les autres êtres sont ce qu’ils sont, l’homme doit conquérir son essence à travers le devoir accompli et le respect de son droit.

Aujourd’hui le tissu social s’est réellement effrité, ceux qui devaient le maintenir en état, sont les premiers à miser sur sa stratification ethnique pour fonder leur hégémonie politique et sociale. Les grands partis sont tous fondés sur des bases ethniques s’il faut dire la vérité. Le peuple, au bout de vingt ans, n’a plus les mêmes idées qu’elle avait sur le même événement et la même personne. Le même peuple qui a qualifié Lansana Conté de bienfaiteur, l’a exécré au profit de Moussa Dadis qui n’a pas non plus tardé à être haï. Alpha Condé accueilli comme messie a été rejeté au profit de Mamadi Doumbouya qui fait aujourd’hui l’objet de toutes les imprécations. Cette instabilité est le fruit d’un manque de foi, de patriotisme et de vision, on dirait que le peuple de Guinée ne sait pas ce qu’il veut, il vogue à la merci de certains individus assoiffés de pouvoir et mus par un dessein hégémonique.

Cet égocentrisme exacerbé, cette absence de sentiment patriotique et cette haine viscérale qui caractérisent les guinéens, leur obstruent toute voie de développement et de progrès. Tant que les guinéens n’apprendront pas à se passer du sentiment ethnocentrique, tant qu’ils ne sauront pas aimer autrui comme eux-mêmes, il leur sera difficile de voir le bout du tunnel. C’est justement en cela que son destin est semblable à celui « d’âne de Buridan », un paradoxe total qui met en exergue la laideur d’une vie partagée entre une richesse absolue et une pauvreté absolue. C’est cela qui justifie l’errance d’une jeunesse désemparée et décontenancée et la duplicité caractérielle de notre société. Quand les uns se félicitent des leurres factices, les autres croupissent sous une pauvreté indescriptible qui assombrit leur espérance et leur espoir.

Ce ne sont pas les multiples lectures de coran qui peuvent apporter la paix et la stabilité dans un pays où la justice n’est qu’apparente, où la foi est fragile, vacillante à cause d’un tropisme égocentrique. La vérité, la justice et le pardon sont les clés de cet embarras guinéen qui pour beaucoup semble être une fatalité. Certains s’accordent à dire que le sol guinéen est béni mais, les populations guinéennes sont maudites, à l’entendre c’est offusquant mais, à l’analyser on découvre une part de vérité que met en évidence cette incompatibilité entre l’existence et le devenir du guinéen. Tant que le sentiment nationaliste et patriotique ne possèdera pas les guinéens, il sera difficile pour le pays de se sortir des affres de la misère et de la pauvreté. Il faut que l’altruisme s’empare des guinéens pour voir la félicité envahir le pays.

C’est à ce travail que devrait se livrer tout le gouvernement et l’ensemble des partis politiques qui foisonnent aujourd’hui dans le pays. La construction de la patrie doit être la préoccupation de tous et non d’une certaine catégorie d’individus. Elle doit être une cause commune qui mobilise l’ensemble des filles et fils de la nation entière car, le devenir d’une nation ne dépend que des nationaux. La diversité ethnique tout comme la diversité culturelle, doivent être une force, un avantage et une richesse pour le pays. Cette diversité ne doit aucunement être source d’exclusion, de mépris et de haine des uns envers les autres. La fraternité, la solidarité et l’amour du prochain doivent prendre le pas sur la haine, l’égoïsme et le mépris.

Le guinéen doit comprendre que seule l’unité nationale et la paix peuvent aboutir à l’édification d’une société prospère. La justice pour tous sans ambages, le respect strict des textes de loi et du droit des citoyens sont l’entame d’une vie heureuse. Jurer sur le coran et la bible sont loin d’être la solution au désarroi économique et social de notre pays. Jurer et faire son contraire est un parjure auquel s’exposent malheureusement de nombreux cadres et responsables de ce pays.

La Guinée ne sera que ce que les guinéens voudront qu’elle soit !

Par Famany Condé