Valentin Haba sur le massacre du 28 septembre:  » vers le stade annexe,il y avait 17 corps. »

Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit ce mardi, 5 décembre 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry) par le passage des témoins afin qu’ils expliquent ce qu’ils ont vécu sur les événements du 28 septembre au stade de Conakry. Et, c’est le contrôleur général de police, Valentin Haba, à l’époque des faits qui était à la barre.

A la barre, il jure de « dire sans haine, ni crainte toute la vérité et rien que la vérité » dans cette affaire.

Dans son témoignage, il a révélé le transport de 54 corps à bord de deux camions du stade au Camp Samory.« Donc, le matin du 28 septembre, aux environs de 9 heures-9 heures30’, j’ai reçu la première information du terrain. L’information provenait du poste qui était au carrefour de la T1, en face de l’ancien siège du RPG. On m’a fait comprendre que l’équipe qui était a été dépassé par la foule de manifestants. Ils ont voulu se replier, mais ils avaient une fourgonnette dont la batterie était en état défectueux.

Donc, le chauffeur ne pouvait pas démarrer le véhicule. Ils se sont mis à pousser le véhicule, c’est en ce moment que les manifestants ont foncé sur eux. Ils ont abandonné le véhicule sur les lieux. Les manifestants ont jeté le véhicule dans le caniveau et ils l’ont détruit. Et, par rapport à cette information, j’ai donc demandé à Ansoumane Bafoé qui était sur les hauteurs de Kissosso d’aller voir la réalité sur ce lieu. Quelque temps après, il m’a appelé pour me dire qu’il était au stade et qu’ils ont trouvé le ministre Tiegboro Camara en train de s’adresser à la foule de manifestants. Il a dit que le groupe de manifestants n’était pas important et que lui [Bafoé] a déconseillé à Tiegboro de procéder à cette sensibilisation. Je lui ai que Tiegboro est une autorité d’Etat… Je lui ai dit : si tu penses qu’il est en insécurité, prends tes dispositions, et au besoin, vous le sortez de là. Quelques instants après, Bafoé m’a appelé pour dire que la foule a commencé à déborder, les manifestants sont agités. Sur ce propos, je suis sorti de mon bureau pour aller à l’esplanade du stade.

Arrivé à l’esplanade, j’ai trouvé l’équipe de police qui était en compagnie du Général Ansoumane arrêtée en face du Commissariat spécial du stade. Je leur ai demandé s’ils ne vont pas mettre le dispositif sur place. Les hommes m’ont répondu : avec quoi DG ? J’ai donc demandé à Bafoé sur les restes de grenades lacrymogènes que j’ai vu dans le rapport de passation de service. Il m’a dit de me référer au magasinier. Donc, je me suis retourné au département pour chercher à avoir le contact du magasinier, mais je n’ai pas pu le répondre. Un peu plus tard, c’est le directeur de la protection civile qui m’appelle pour me dire qu’on nous appelle au camp Samory pour une réunion…

Aussitôt arrivés au camp Samory, le Général Ansoumane m’a appelé pour me dire que tout est gâté, on a entendu des coups de feu. J’ai donc pris la route pour le stade. Arrivé à la sortie du Camp Boiro, j’ai trouvé le Général Ansoumane Bafoé et ses hommes du côté de Donka, là où il y avait le baobab. Je leur ai dit de me suivre. Il a embarqué les hommes. Arrivé en face de Fondis, j’ai vu venir le véhicule du ministre Tiegboro. Et, quand je suis allé vers lui, il m’a dit : ce sont des leaders qui ont été blessés, je les emmène aux soins à la clinique Pasteur. Pendant qu’il parlait, j’ai vu Elhadj Cellou Dalein Diallo… Quand je suis arrivé au stade, on a garé les véhicules à l’esplanade. Nous sommes entrés dans la cour du stade, il n’y avait personne. Je n’ai vu qu’un seul vieil homme qui était fatigué et qui boitillait un peu. Directement nous nous sommes orientés vers la pelouse. Jusqu’au bout de la pelouse, je n’ai pas vu un corps. C’est quand on sortait du côté du stade olympique qu’on a vu le premier corps.

En plus un second. Je me suis arrêté, j’ai dit au Général Bafoué : mettez le dispositif de sécurité en place, que personne d’autre n’entre. On a essayé de faire un tour, nous sommes allés vers le stade annexe. En cet endroit-là, il y avait 17 corps. J’ai donc appelé le Général Toto Camara qui était notre ministre pour lui que la situation n’est pas bonne au stade, il y a des corps. Il a répondu : attendez, je vais vous envoyer des véhicules… Deux camions sont venus, c’est en ce moment que les gens ont commencé à ramener les corps pour les mettre ensemble.

Et, quand tous les corps ont été rassemblés, ils ont procédé à l’embarquement. Arrivés à la hauteur du Camp Samory, les véhicules sont rentrés là. J’ai dit aux hommes de sécuriser et d’attendre que je comprenne pourquoi on est là. J’ai appelé le Général Toto pour lui dire que les véhicules sont rentrés au Camp Samory. Il me dit : j’arrive, attendez-moi. Mais, le ministre de la santé est arrivé avant lui. Quand le Général Toto est arrivé, il a dit : il y a combien de corps ici, j’ai dit : on n’a pas compté. Il a alors dit : comptez. Finalement, ceux qui ont compté nous ont dit qu’il y a 54 corps.

Ainsi, le ministre Toto a dit au ministre de la santé : prenez ces corps en charge, faites le nécessaire, je prends la défense en charge. Donc, c’est sous le contrôle du ministre de la santé que les véhicules sont sortis [du camp Samory] et nous, nous avons replié pour regagner notre base », a expliqué le Général Valentin Haba.