LA CULTURE GUINEENNE SERAIT-ELLE EN DECLIN ?

 Quand on porte une analyse rétrospective sur le patrimoine culturel guinéen, on est étonné de voir ce qui se passe maintenant dans le pays sur le plan culturel. La Guinée a été une référence mondiale sur le plan de la culture, nombreux sont les pays africains, européens et américains qui venaient s’abreuver à cette source intarissable. On se souviendra aussi des grands ensembles comme les orchestres nationaux et fédéraux, les ballets nationaux et les troupes fédérales qui rivalisaient pendant les festivals nationaux en talent et en dextérité.

         Les chansons des années 70 véhiculent des messages patriotiques, mieux elles s’impliquent fortement dans l’éducation des masses populaires. Elles permettent surtout l’affirmation de l’identité culturelle, rien qu’à les écouter, on voit leur origine culturelle. La jeunesse d’alors a vécu des moments pleins de fraternité, de solidarité et d’amitié. Toutes les activités culturelles et sportives étaient des facteurs puissants de regroupement des jeunes. Elles ont réussi à rassembler autour d’un idéal commun l’ensemble de la couche juvénile, la JRDA comme elle était appelée auparavant. 

        Le pays a connu une éclipse culturelle qui a duré plus de vingt ans. La deuxième république n’a mis aucune structure pour récupérer ou canaliser la jeunesse. Les rendez-vous culturels notamment les quinzaines et les festivals ont été abandonnés. Inconsciemment ou non, on a assisté au déclin progressif de la culture nationale. Le pays a connu l’émergence d’artistes qui évoluent en solo, et produisent souvent des musiques qui ne véhiculent aucun message éducatif. Des louanges, encore des louanges, des chansons qui portent atteinte à la morale et même à la bienséance sociale.

       Aujourd’hui il y a pléthore d’artistes dans le pays qui se plaisent à pratiquer des rythmes étrangers et ignorer totalement ce que le pays a de meilleur en rythme. Le Yan kadi, le Doundoumba, le Soli etc. ne les intéressent absolument pas. Le hip-hop, le Rap, le Reggae, le coupé décalé sont aujourd’hui leur préférence, ce qui ne traduit aucunement la valeur de la culture nationale. A voir ce que fut la culture nationale et voir le sort qui lui est réservé fait mal. La culture occupe une place importante dans la vie d’une nation, elle est avant tout un élément de souveraineté et d’affirmation de l’identité.

Les nouvelles autorités doivent absolument intégrer dans leur programme de refondation la culture, en mettant en œuvre des structures efficaces pour sa réhabilitation. Les activités culturelles nationales d’antan peuvent toujours servir de référence pour mettre en exergue les immenses potentialités artistiques du pays. La libéralisation des initiatives privées ne doit pas signifier un laisser-aller dans le monde de la culture. L’Etat a le droit de regard sur le contenu et la qualité des musiques pour éviter la production musicale au rabais. Pour dire vrai la musique guinéenne se consomme rarement à l’international, elle est strictement de consommation locale et même là encore de façon sporadique.

Il ne sera pas facile de reproduire le système de la première République mais, il est quand même possible de faire des innovations comme la création de structures indépendantes, des ensembles musicaux avec les exigences nécessaires pour la valorisation des rythmes et des chansons du répertoire culturel national. Le Sénégal a valorisé son Mbalack, la Côte d’Ivoire son Coupé-Décalé et en Guinée on se plait à singer les rythmes exotiques qui ne matérialisent pas notre culture nationale. On est en face d’une acculturation, d’un déracinement et les autres viennent chez nous pour apprendre nos rythmes et les valoriser. Nos instruments traditionnels de musique sont devenus universels, les étrangers savent mieux s’en servir que nous de nos jours. La Kora, le balafon, le Ngoni, le Tam –Tam, la flûte pastorale sont de moins en moins mis en valeur par nos artistes.

Les artistes guinéens doivent apprendre à se fixer un objectif dans le temps, éviter de se contenter des productions qui ne survivent pas à leur dédicace. Oumou Sangaré, Sidiki Diabaté, Youssou N’Dour ne sont pas des extraterrestres, ce sont des hommes qui ont mis tout leur sérieux dans ce qu’ils font. Ils avaient l’envie et la volonté de se dépasser, c’est pour cela qu’ils ont acquis cette universalité.

L’Etat doit absolument prendre ses responsabilités pour la restauration de la culture nationale à travers un retour aux sources. La culture est notre parfaite identité.

Famany Camara