LA MARCHE A RECULONS DE LA GUINEE…

Est-ce une fatalité pour la Guinée de toujours régresser ou de marcher à reculons ? Cela fait pitié de voir ce pays qualifié de scandale géologique sombrer dans une misère noire indescriptible. Celui qui porte une peau fraiche de vache sur la tête, aura toutes les peines du monde à maitriser les côtés qui débordent. Tous les jours, la junte se dévisage et offre des équations compliquées aux populations guinéennes. C’est une véritable stratégie de diversions, ne pas permettre au peuple de réfléchir en le mettant à chaque instant devant des interrogations. Tous les jours que Dieu fait, les guinéens découvrent des violations graves du droit de l’homme, l’interdiction des manifestations populaires et aujourd’hui atteinte à la liberté de presse.

La liberté de la presse est l’une des principales libertés publiques. Elle exprime le droit de chacun de s’exprimer librement, soit directement, soit par l’intermédiaire des médias. Le mot « presse » s’entend ici au sens large. Il englobe par extension tous les médias : radio, télévision, affichage, Internet, etc. « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » (Déclaration universelle des Droits de l’homme 1948). Les restrictions dont la presse guinéenne est victime aujourd’hui, constituent un véritable paradoxe au discours du colonel Mamadi Doumbouya, le 5 septembre 2021. La liberté de la presse est une liberté essentielle à la démocratie.

En effet, dans une démocratie, c’est le peuple qui est souverain, qui détient le pouvoir. Mais personne ne peut gouverner (ou voter pour choisir ses représentants au pouvoir) s’il n’a pas eu l’occasion de former son intelligence d’une part, et de s’informer afin de se faire une opinion d’autre part : le droit à l’éducation et la liberté de la presse sont donc indispensables à l’exercice de la démocratie. À l’inverse, lorsque le peuple n’est ni formé, ni informé, il est très facile à tromper et à manipuler : c’est notamment en bafouant la liberté de la presse que les régimes autoritaires parviennent à se mettre en place et à se maintenir.

Avec les autres libertés publiques (liberté d’association, liberté de manifestation, liberté syndicale, etc.), la liberté de la presse constitue donc l’un des piliers du maintien de la démocratie. C’est pourquoi, dans les États démocratiques, la liberté de la presse est souvent protégée de manière spéciale par l’État, qui l’inscrit généralement dans sa Constitution. La liberté de la presse peut même être considérée comme un contrepouvoir essentiel, qui a pour devoir de dénoncer les corruptions et les abus de pouvoir dont les gouvernements pourraient se rendre coupables. Liberté et diversité sont les deux conditions pour que la presse puisse jouer son rôle dans le jeu démocratique.

On comprend mal l’attitude de la junte à s’acharner contre la presse qui pourtant a été le facteur déterminant pour son maintien. Mêmes ceux qui s’exhibent aujourd’hui en ennemi de la presse doivent savoir, que la presse a été le terreau fertile à leur émergence sociale et politique. La déception des populations guinéennes est totale, l’eldorado promis s’est étrangement transformé en enfer. Dans tous les centres urbains notamment dans la capitale les gens éprouvent d’énormes difficultés pour assurer leur quotidien. La mendicité est devenue le principal moyen de se procurer le minimum pour la survie et cela pour tous les âges.

Ceux qui travaillent crient, ceux qui ne travaillent pas hurlent, on ne comprend plus rien de l’orientation de cette transition qui semble aller à la dérive. Les jeunes désemparés et désœuvrés, noient leur stress dans l’alcool, la drogue ou sur les routes vers une mort certaine au désert ou dans la Méditerranée. Pourtant l’espoir était grand le 5 septembre 2021, voir maintenant que cet espoir s’est métamorphosé en désespoir obstrue la voie de la raison. La seule explication que l’on peut donner à cela est la simple volonté de la junte à se maintenir au pouvoir.

La Guinée n’est pas le seul pays qui soit dans la transition mais, ce qui se passe dans le cas guinéen relève de l’extraordinaire. Il y a plus radios et de télévisions privés au Mali qu’en Guinée, tout comme au Burkina et au Niger. Jamais vous n’entendrez la restriction de la presse dans ces pays, une telle pratique laissera exhaler les effluves nauséabonds de l’autoritarisme, de la dictature et du non-droit. Les avancées acquises par la démocratie n’ont pas résisté à la tentation du pouvoir des bidasses. Puisque les ennemis de la presse sont connus, il est facile de se battre contre eux. Le danger dans tout cela réside dans le fait que la presse use de son pouvoir de nuire et de détruire la réputation de ceux qui se croient au-dessus de la loi. Dans tous les grands pays démocratiques, que ce soit en France, en Angleterre, aux USA et même en Russie, la presse a toujours joué un premier rôle pour la mise en exergue des faiblesses et des insuffisances des Etats. L’affaire Watergate qui a emporté le président américain, les multiples cas de corruptions et détournements quotidiens qui truffent la presse sont des preuves irréfutables de la puissance immense de la presse.

La restriction des médias en Guinée est la preuve éloquente de la fébrilité de cette junte qui a perdu sa boussole, et qui navigue à vue vers un horizon incertain et inconnu. Si la junte croit angoisser la presse, elle perd son temps car, cette liberté acquise depuis la deuxième république, réconfortée au temps du CNDD et du Pr. Alpha Condé, elle défendra bec et ongle pour préserver cette liberté. Il est facile de faire taire les partis politiques mais, il n’est pas possible de museler la presse.Autant on ne peut empêcher le soleil de briller, autant la presse ne peut être bâillonnée !

Famany Condé